La contrepèterie (parfois appelée antistrophe) est un jeu de mots qui consiste à permuter certains phonèmes ou certaines syllabes d'une phrase, pour obtenir une nouvelle phrase, avec souvent un sens cocasse, voire grivois. On peut aussi dire qu'il s'agit de « l'art de décaler les sons que débite notre bouche », cette définition contenant elle-même deux contrepèteries. Exemple : « Mon oncle perd courage devant les amas de patentes » devient, en permutant le p et le m, « Mon oncle perd courage devant les appas de ma tante ». Le journal Le Canard enchaîné est célèbre pour sa sélection hebdomadaire de contrepèteries, dans la rubrique intitulée Sur l'album de la Comtesse créée par Yvan Audouard, repris par Henri Monier, Luc Etienne (qui fut Régent de Contrepet au Collège de Pataphysique) puis reprise par Joël Martin. L'usage veut qu'on ne donne jamais la solution d'une contrepèterie, chacun devant la trouver lui-même. Le faire comme au début de ce paragraphe serait en société une très grave faute de goût. On dit qu'il faut être trois pour apprécier une contrepèterie : celui qui l'énonce, celui qui la comprend, et celui qui ne la comprend pas. Ajoutons que la correspondance des sons doit être stricte ; il ne saurait être question de dire : « Le Ministre des Finances décrète toutes les baisses faisables ». Librairie à Bourg-la-Reine.
La contrepèterie dans l'histoire littéraire
- de François Rabelais, qu'on dit être l'inventeur du procédé :
-« Panurge disoit qu'il n'y avait qu'une antistrophe entre femme folle à la messe et femme molle à la fesse.
- Goûtez-moi cette farce !
- La noire me fuyt
- Cette femme est une lieuse de chardons. »
- A Beaumont-le-Vicomte
- d'Estienne Tabourot (1547-1590) :
-« Toutes les jeunes filles doutent de leur foy. »
- de Victor Hugo : « J'ai fait le bossu cocu, j'ai fait le beau cul cossu. » De plus, sont passés à la postérité des exemples involontaires, tout de son cru, comme « Le vaincu de son cœur ».
- plus près de nous, Benjamin Péret publie un ouvrage en 1928 : « Les rouilles encagées ».
- de Boris Vian : « le peintre émet des avis sur les nus ».
- Robert Desnos en écrivit un certain nombre dans la section sur Rrose Sélavy du recueil Corps et biens, souvent en en donnant la solution :
- Dans un temple en stuc de pomme le pasteur distillait le suc des psaumes.
- Rrose Sélavy connaît bien le marchand du sel. L'ouvrage La Redoute des contrepèteries de Louis Perceau est le premier ouvrage de référence sur la contrepèterie. Il en énumère des centaines. « L'Album de la Comtesse », créé après guerre dans le Canard enchaîné, a également joué un grand rôle pour la diffusion de cet art de décaler les sons. Il publia un jour un poème qui pouvait se lire avec deux sens différents selon qu'on le contrepétait ou non. Voici le premier quatrain: :« L'hommage de leurs vers qu'à l'envi les poètes :A la femme déçue offrent toujours ardents :Flatte certes le but mais n'apaise la quête : :L'attente a des plaisirs qu'on ne fait qu'un moment. » Quelques contrepèteries
Madame Vigée-Lebrun (autoportrait) Un bar parisien au pied des Buttes-Chaumont On remarque que, bien souvent, les contrepèteries font allusion au sexe. Le mot vit ne survit du reste en français que dans les contrepèteries et les chansons paillardes. Un exemple de contrepèterie sans grivoiserie est ce slogan du temps de l'Occupation : « Il ne faut plus dire Métropolitain mais Pétain mollit trop » ; s'agissant d'un slogan, la solution était donnée. De même, les opposants au mouvement du colonel de La Rocque « Les Croix-de-Feu » eurent tôt fait d'appeler les membres de ce parti « Les Froides Queues ». Joël Martin a néanmoins écrit plusieurs chapitres de contrepèteries « de salon » dans sa Bible du contrepet. D'autres circulent sur Internet, par exemple « Amène le porc ». Certains noms propres sont une contrepèterie :
- Thierry d'Argenlieu
- Madame Vigée-Lebrun.
- Lycée Ampère (lycée de Lyon)
- École nationale supérieure des mines de Paris
- Jules Verne
- Alphonse de Lamartine
- de Gaulle
- Jean-Marie Le Pen (définition de Jean Cocteau)
- le groupe de rap NTM
- Paul Piché Voire des marques, des slogans publicitaires :
- Mammouth écrase les prix (Coluche)
- Nous, on vit Auchan
- L'effet Kiss Cool
- La Pie qui chante
- La Banque postale (sans mots tabous) Des revues :
- Nous Deux (revue de romans-photos à l'eau de rose)
- Le Matin de Paris
- Après l'élection de Jacques Peyrat à la mairie de Nice, un célèbre quotidien régional titra cette double contrepèterie :
-:Peyrat de Nice : après le doute, la joie Des films :
- Conan le Barbare
- La colline des bottes (western avec Terence Hill), Des expression anodines :
- Salut Fred !
- Salut Patrick ! Et pour terminer deux contrepèteries que les Français rapportent avec raillerie comme étant d'origine belge, en référence à la supposée naïveté de leurs voisins :
- Il fait beau et chaud.
- Dur, dur. Amis du contrepet
Louis Perceau
Rédigea jadis un ouvrage de référence sur le genre : La Redoute des Contrepèteries. « Vous avez lu Perceau » est une phrase qu'on aime à se dire entre initiés. Luc Étienne
Première Comtesse du Canard. Luc Étienne se fit le spécialiste de cet art, tout en avouant avoir lu Perceau. Il a rédigé entre autres œuvres (« La méthode à Mimile », « l'Art de la charade à tiroirs ») un Art du contrepet qui fait encore référence aujourd'hui, et qui contient des passages fort travaillés comme le discours d'un locataire contenant les phrases suivantes : « Elle eut peur de mon mot de guichet : Les concierges n'aiment pas être éveillées brutalement. Mais comme elle insistait pour aspirer mon terme, Je laissai travailler ma bile et me sentis détesté. Une sorte de rage me tenait lieu de verve » Le tout se termine par : « Elle me dit : « Après ce marc, faudrait une bonne dînette ». Je sentis alors l'avidité des concierges. » Il donne également des conseils : de même que le charme des mots croisés réside dans le fait d'y donner des définitions non banales, il faut une fois le contrepet trouvé lui trouver une courte introduction aussi appropriée à l'innocente phrase de base qu'à sa variante sulfureuse. Ainsi, sur les mots « roussette » et « pain », l'introduction suivante ne fait que rendre plus savoureuse la contrepèterie : « Mais je ne pêche pas, monsieur le curé ! J'agace les roussettes avec mes bouts de pain ». Et sur « affale » et « bazar », quoi de plus plaisant que ces cinq mots d'introduction ? : « Epuisée par une longue queue, la pauvre femme s'affale devant le bazar ». Joël Martin
Nouvelle Comtesse du Canard, successeur de Luc Étienne au Canard, il est l'auteur de nombre de publications toutes plus contrepétillantes les unes que les autres, dont la « Bible du contrepet (Une bible qui compte pour décaler les sons)», le dico de la contrepèterie et, plus récemment, un Que sais-je sur la contrepèterie (2005). Laurent Gerra et Jean-Jacques Peroni
Lors de chroniques satiriques radiodiffusées, (entre autres Le Grand Juron durant la campagne présidentielle de 2007), l'imitateur humoriste Laurent Gerra et son co-auteur Jean-Jacques Péroni ont régulièrement recours à la contrepèterie placée le plus souvent dans la bouche d'hommes politiques dont la pratique insoupçonnée de la calembredaine grivoise rajoute à l'effet comique. Les plus fameuses sont prononcées par l'inventeur de la Fête de la musique, ex-Ministre de la Culture socialiste, Jack Lang, « la muse m'habite » ou « toute la gauche qui pense et qui rit », et par l'académicien, ancien président de la République Valéry Giscard d'Estaing, « l'Afrique est bonne hôtesse » ou « le bout du globe s'appelle le zan » . Une autre prononcée avec la voix de J. Chirac est « Tulle, en Corrèze » (ce qui donne « encule Thorez »). Contrepèteries dans d'autres langues
On consultera avec profit les liens vers les autres versions linguistiques de Wikipédia. (un exemple: le film "Shoot to kill" devient shit to cool) Contrepèterie britannique : spoonerism
Le spoonerism n'est pas aussi systématiquement grivois que ne l'est la contrepètrie française. Plusieurs spoonerism se trouvent dans les ouvrages de Shakespeare. :The difference between a girl in a church and a girl in a bath is that the first one has a soul full of hope. :I'd rather have a bottle in front of me, than a frontal lobotomy. Le mot "spoonerism" vient du Réverend William Archibald Spooner (1844-1930) qui en faisait souvent, volontairement ou non, dans ses sermons. :Those girls have a cunning array of stunts. Contrepèterie bilingue
La mondialisation aidant au mélange des dialectes, on a vu apparaître dans les années 70 la première contrepètrie bilingue répertoriée :
-"Anne like root beer". (Anne aime la biroute) Le principe étant donc d'émettre un énoncé dans une langue, dont la contrepètrie s'entend dans une seconde langue. Dans l'exemple enoncé ci-dessus, Anglais/Français. Contrepèterie en espéranto : kontraŭknalo
Tiré de :
- « mielkuko » (gâteau au miel) devient « kiel muko » (comme du mucus),
- « plejpova nutro » (nourriture puissante) devient « plejnova putro » (putréfaction récente). Contrepèterie en espagnol
- en la colección de Beaucaire se pueden ver las posibilidades para esconder frases picantes bajo disfraces más inocentes. Contrepèterie en italien
Puisqu'en italien les désinences des mots sont toujours prononcées, la contrepèterie est bien plus rare qu'en français. Cependant, il y a quelques exemples, dont certains grivois :
-« costo del pane » (coût du pain), qui devient « posto del cane » (place du chien),
-« mazzo di carte » (jeu (série) de cartes), grivois. Étymologie
Le terme contrepèterie dérive du verbe contrepéter signifiant « équivoquer » puis par la suite « imiter », « contrefaire » http://www.cnrtl.fr/etymologie/contrep%C3%A8terie. Voir aussi
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